- Tchweizz a écrit:
- ... Concernant le problème de la M1 de Rossi et Vinales. N'est-il pas lié à la limite ou le désavantage du moteur crossplane ?
- Dan42 a écrit:
- ... le Crossplane Yamaha revient en gros (à part la répartition des masses donc position de son CG) à avoir un V4 avec manetons à 180° comme un VFR 800...
Comme le dit
Dan42, en ce qui concerne les fluctuations du couple moteur,
et dans l'hypothèse où il serait identique à celui de la R1, le crossplane de la Yamaha M1 se comporte comme un V4 à 90° dont les deux manetons du vilebrequin seraient décalés de 180°.
Je propose d'examiner en quoi ce crossplane serait moins avantageux qu'un V4 dont les manetons ne sont pas décalés de 180°. Et, au passage, de voir d'où sort ce décalage de 70° choisi par Ducati pour sa Desmosedici Stradale (et peut-être aussi pour ses GP17 et GP18).
Mais avant de commencer, et pour être sûr qu'on parle bien de la même chose, il n'est pas inutile de revenir sur ces notions de BigBang, screamer, crossplane, etc.
Dans un moteur tournant très rapidement, les forces d'inertie mises en jeu par le mouvement alternatif des pistons génèrent un couple dont les fluctuations sont
bien supérieures à celles du couple provenant de la combustion.
À tout moment, le couple qu'un piston fournit au vilebrequin est donc la somme du couple moteur de combustion et d'un
couple moteur inertiel dû à son mouvement alternatif. Bien entendu, sur un tour de vilebrequin, ce couple moteur inertiel moyen est nul et, si on fait le bilan sur deux tours de vilebrequin (moteur 4 temps), il ne subsiste pour faire avancer la moto que le couple de combustion moyen.
Mais, quand on s'intéresse à la régularité cyclique
réelle et au couple instantané – notamment en ce qui concerne ses effets au niveau du contact pneu-sol – il faut absolument prendre en compte le couple moteur inertiel. Déjà, c'est lui qui est prépondérant à pleine puissance. Alors, quand le pilote remet un filet de gaz en sortie de virage... C'est pourquoi toutes les explications basées sur la répartition des allumages pour justifier une amélioration du grip sont nécessairement fausses. Car le véritable "temps moteur" ne se trouve pas là où on pourrait le croire.
Du moins quand il s'agit de moteurs de compétition, c.-à-d. tournant vite. Il en irait tout autrement si on se préoccupait de mécanique agricole et de moteurs tournant à 1500 tr/min. Mais, justement, on n'a jamais entendu parler de moteurs BigBang pour améliorer le grip des tracteurs dans la boue...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]extrait de "Lucien se met au vert", de Frank Margerin En conclusion, l'intérêt de minimiser les fluctuations du couple moteur inertiel est double : 1. En minimisant les fluctuations du couple instantané, et donc de la force de traction, il permet au caoutchouc de mieux travailler et il augmente le grip disponible. C'est-à-dire exactement l'inverse de "l'explication" surréaliste qui – ignorant complètement l'existence du couple inertiel et ne considérant que la plus grande irrégularité du couple de combustion – affirmait qu'en laissant à la gomme le "temps de récupérer" entre deux "explosions" on obtenait un meilleur grip.
2. En diminuant ce "bruit de fond" – qui ne dépend pas de l'ouverture des gaz – il permet au pilote de mieux ressentir les effets de l'ouverture progressive des gaz en sortie de virage et de mieux gérer la poignée droite.
Le sujet qui nous intéresse quand on parle de BigBang, screamer ou crossplane est donc celui-ci :
comment décaler les mouvements des différents pistons pour minimiser les fluctuations du couple moteur inertiel. Considérons le cas d'un seul piston :
Pour démarrer en douceur, on va d'abord simplifier le problème en négligeant l'influence des variations d'inclinaison de la bielle. C'est-à-dire qu'on va raisonner comme si la longueur de la bielle était très grande, et même infinie.
Dans ce cas on n'a pas à se préoccuper du terme sous le signe "racine carrée". Si la vitesse de rotation du vilebrequin ω est constante, on a alors α = ωt et, pour la vitesse et l'accélération du piston :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Compte-tenu d'une masse
m pour le piston (masse du piston complet avec son axe et ses segments + fraction de la masse de la bielle qu'on considère comme rattachée au mouvement du piston) et d'un bras de levier de longueur R∙sinα
il faut, pour assurer ce mouvement, appliquer sur le vilebrequin un couple – variable – d'intensité : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Inversement, et c'est là que je veux en venir, dans l'hypothèse où la vitesse de rotation du vilebrequin reste constante, sans être affectée par les effets de ces fluctuations du couple*, on peut considérer que le mouvement alternatif d'un piston génère sur le vilebrequin un
couple moteur inertiel de valeur C
mi = – C
à fournir :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]* Hypothèse légitime parce que :
1. L'inertie de tout ce qu'il y a derrière (vilebrequin, transmission,
... et moto) est beaucoup plus grande que la masse du piston.
2. Et surtout – et c'est précisément le but recherché – on va s'arranger
pour faire coopérer les différents pistons afin d'annihiler les effets de
leurs couples inertiels et donc les fluctuations de la vitesse de rotation.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Répartition du couple moteur inertiel sur un tour de vilebrequin, dans l'hypothèse simplificatrice
où on néglige l'effet des variations d'inclinaison de la bielle (= bielle de longueur infinie) Le couple moteur inertiel s'annule 4 fois par tour (aux PMH et PMB, ainsi qu'à mi-course). Dans la réalité la bielle a une longueur finie, et les variations d'inclinaison qui en résultent déplacent la position des points où le couple s'annule vers la mi-course (en revanche pas de changement pour les PMH et PMB).
Maintenant, si on associe à ce premier piston un second piston dont le mouvement est décalé de 90° (cas d'un bicylindre en V à 90° ou d'un bicylindre en ligne avec manetons de vilebrequin décalés de 90°), le premier piston va produire un couple inertiel C
1 et le second un couple C
2 :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Or
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]À tout moment, les couples C
1 et C
2 sont égaux en valeur et de signes opposés : C
1 + C
2 = 0.
C'est aussi ce qui se produit naturellement dans un V4 à 90° (association de deux V2 à 90°), de même que dans le Yamaha crossplane (association de deux bicylindres en ligne avec manetons décalés de 90°). Dans ces deux cas, les couples moteurs inertiels s'annulent...
... du moins avec l'hypothèse simplificatrice que nous avons faite (négliger l'influence des variations d'inclinaison de la bielle, comme si celle-ci était de longueur infinie).
J'arrête là pour aujourd'hui afin que chacun puisse reprendre son souffle.
Demain, on affinera les calculs pour tenir compte de la longueur réelle de la bielle. En attendant, vous pouvez voir aussi ce qu'écrivait
Frits Overmars sur le même sujet (en anglais, mais il existe une traduction par
Marc sur la même page) : [Technique] Moteurs MotoGP - 14 décembre 2010 – 13:24
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ...à suivre