[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Dimanche, à Austin, avait lieu la seconde manche du Championnat du Monde et si le MotoGP a été quelque peu monotone,  la course Moto2, comme à son habitude, nous a livré du spectacle de bien belle facture.

Nous avons pu interviewer Didier de Radiguès pour prendre l’avis de celui qui a occupé les fonctions de pilote, de coach, de team manager et de manager afin qu’il nous éclaire sur sa vision de la course de dimanche.

Il en ressort une longue interview que nous espérons déjà que vous trouverez intéressante.

Let’s go !  

« GPi : Vu tes liens étroits avec Xavier Simeon, commençons par lui. Bien entendu, une course teintée de malchance mais un weekend où le Belge a montré, peut-être même pour la première fois depuis qu’il est titulaire en Moto2, qu’il était capable d’être là en permanence.

Xavier était déçu parce que moralement c’est dur quand tu sais que tu as une carte à jouer mais la moto est un sport mécanique et par essence même, dans un sport mécanique, il y a la mécanique qui intervient. Malheureusement, il faut l’accepter. Il est dans un excellent team et donc, ça n’arrivera pas souvent mais la mécanique a son rôle à jouer et il n’est pas le seul à avoir eu des ennuis. Il y a eu Nakagami, Torrès et encore d’autres dont on n’a probablement pas parlé.

Moi ce que je retiendrai  c’est qu’en 2013, quand Xavier Simeon a des problèmes, il termine treizième alors qu’en 2012, pour qu’il termine treizième, il fallait qu’il n’en rencontre pas. C’est donc un fameux pas de franchi.

Il faut maintenant passer le cap de la course et enfin connaître le weekend parfait où il concrétisera des séances comme celles d’Austin où il a progressé tour après tour. Il a montré qu’il en était capable, bien qu’on n’en ait jamais douté et je voudrais même aller plus loin car pour moi, il a démontré ce weekend qu’il en était capable aussi sur le sec. Ça n’a pas souri du premier coup, ou même du deuxième car au Qatar aurait pu faire mieux, mais ça va venir.

GPi : C’est d’ailleurs probablement le changement important ! Cette année, on sent que ça va venir alors que la saison précédente, on sentait que ça ne viendrait pas.

Tout à fait. Cette année, c’est un tout autre Simeon, beaucoup plus fort, beaucoup mieux dans sa tête mais aussi avec une bien meilleure moto car même si Danny Kent fait des prouesses avec la Mistral, on voit que c’est compliqué pour Louis Rossi et je pense qu’aujourd’hui, on peut plus facilement jauger des difficultés qu’il a pu rencontrer la saison précédente.

Et puis, il y avait ce gros problème sur la vitesse de pointe qui semble être arrangé cette année sur la Mistral610.

Quand tu te bats, que tu te donnes dans chaque virage mais qu’en ligne droite, tu te fais passer par trois ou quatre garçons, c’est toujours difficile à accepter et à gérer.

Alors bien entendu, dans le meilleur des mondes et quand tu es pro, ça ne devrait pas t’influencer mais à force, ça devient usant. Ce sont des conditions enfin différentes et j’ai maintenant hâte de voir arriver la concrétisation.

GPi : On a vu avec Terol, mais aussi avec Aegerter et Zarco, que les Kalex ne sont pas imbattables. La saison dernière, les motos suisses ont gagné des courses mais avec un sacré bonhomme dessus et on avait tendance à lui attribuer les mérites. A Austin, elles ont montré qu’elles étaient également de très bonnes motos.    

Je pense en effet que ces motos sont très très proches. Il y a plus de Kalex que de Suter donc avantage à l’allemande au niveau de la mise au point et des informations que le constructeur peut recevoir sur un Grand Prix ou sur les essais mais Suter en a quand même quelques-unes et on a effectivement l’impression qu’elles se valent et c’est tant mieux d’ailleurs. On aura probablement un petit avantage pour une sur certains circuits et inversement. A Austin ça a plutôt souri aux Kalex, à Losail c’était l’inverse et maintenant, on verra à Jerez.

GPi : Pol Espargaro. Une chute qui pourrait peut-être être difficile à gérer et un championnat pas aussi joué que ce qu’on a pu l’écrire?     

On a toujours tendance à dire beaucoup trop vite que ce sera les deux doigts dans le nez pour l’un ou pour l’autre. On peut annoncer que quelqu’un est grandissime favori mais il faut toujours garder à l’esprit qu’en moto, contrairement à beaucoup d’autres sports, rien n’est jamais joué. Une bête petite chute, ça peut arriver à tout le monde et qu’elle se produise à n’importe quel moment, à n’importe quelle séance, que ce soit en qualifications ou au warm-up, tu peux te relever avec une jambe fracturée et tu ne rouleras pas la course, la suivante et encore celle après. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à la bête chute de Lüthi lors des essais IRTA à Valence.

Rien n’est jamais joué, tu peux tomber le premier tour ou le dernier alors que tu es en tête. A la moindre erreur, tu te retrouves à terre et entre debout et par terre, tu ne sais jamais ce qui va se passer.

Parfois, tu vois un pilote et tu penses qu’il est vraiment facile et qu’il va manger tout le monde mais ne le dit jamais. On a dit ça de Freddie Spencer et puis il a eu son accident et sa carrière en est restée-là alors qu’il dominait de la tête et des épaules.

GPi : Chez VDS, petite déception avec Redding, très belle surprise avec Kallio qui, l’air de rien, est second au championnat.

Malheureusement, Redding a toujours un peu de mal à terminer ses courses mais il reste un pilote que j’adore dans le sens où il a une attaque et une volonté admirables. C’est un pilote formidable mais qui a encore un peu de mal à terminer et c’est sympa qu’un Kallio ait pu sauver les meubles en montant sur la troisième marche du podium.

C’est sympa pour Marc van Der Straeten qui a réalisé de gros efforts pour ce team et le voilà récompensé en étant en tête du Championnat pilote mais également du classement des teams.

GPi : Nico Terol a gagné ! Après une saison difficile, il a travaillé comme un dingue pendant l’hiver, il s’est reconstruit mentalement et visiblement, le travail ça paie toujours !   

Oui, je suis vraiment heureux pour lui parce que Nico Terol, qu’on se le dise, c’est vraiment un tout bon gars ! C’est vrai qu’il a eu une saison très très difficile en 2012 et puis là, il progresse. Tout à coup, la saison dernière, il a décroché un podium. Mais bon, c’était sous la pluie et dans des circonstances particulières et dans ces cas-là, le pilote se dit toujours qu’il a peut-être obtenu son podium grâce à ces circonstances. Mais en tout cas, ce podium lui a permis de retrouver la foi et de travailler énormément cet hiver.

Après avoir été bien lors des essais au Qatar il avait disputé une mauvaise course mais maintenant, il a gagné et depuis dimanche, ça ne sera plus le même pilote. Cette victoire va le rassurer et lui donner confiance en ses moyens. C’est magnifique pour lui et je suis certain qu’on peut tout à coup le rajouter aux prétendants au titre. Comme quoi, ça ne tient à pas grand-chose.

GPi : Le Moto2, c’est une catégorie ou peut-être encore plus qu’ailleurs, la régularité est importante car c’est évidemment plus compliqué de faire une grosse différence avec un matériel identique. Si on prend l’exemple de Dominique Aegerter, sa régularité pourrait être sa meilleure arme.

Dominque Aegerter, cette saison, pourrait se révéler car je pense que c’est un excellent pilote. Tout est dans la tête dans cette catégorie où les pilotes sont tous à matériel plus ou moins égal.

Ils sont tous jeunes, se montent un peu la tête et puis, partent dans des travers et c’est ça qui les freine plus qu’autre chose. A la base, ils sont tous très rapides et ils ont tous une très bonne moto mais après, il faut aller chercher des dixièmes et là, certains commencent à paniquer, prennent des mauvaises directions et plutôt que de gagner des dixièmes, ils perdent des secondes.

Ils manquent de confiance en eux et alors ils finissent par chercher des roues. Ils attendent de trouver la bonne mais le mec devant, comme il sait très bien quand il a quelqu’un à son derrière, il coupe. Alors, ils reprennent  leurs recherches et ils font ça séance après séance, Grand Prix après Grand Prix, saison après saison et finalement ils se détruisent complètement au lieu de travailler seuls et chercher eux-mêmes, avec confiance, ce qui va faire qu’ils pourront aller plus vite.

Mais pour y arriver, ça passe d’abord par la tête et la confiance en soi. Je pense que Dominique Aegerter est passé par là et qu’aujourd’hui, il n’est plus le pilote d’hier. C’est aussi le travail qu’a fait Xavier Simeon.

Quand tu es dans cet état d’esprit, tu commences à travailler plus tôt que les autres sur le circuit, que ce soit à pied le jeudi ou à moto dès le vendredi. Tu es aussi capable d’analyser tous les mètres du tracé, de savoir où ça glisse et de savoir ce que tu vas devoir changer pour que ça ne glisse plus. Tu deviens un pilote de course et tu es enfin capable de travailler avec l’équipe. Tandis que si pendant les sessions, tu passes ton temps à chercher une roue, tu n’as pas le temps de faire ça et même si tu fais illusion lors d’une séance, quand tu es seul, tu n’es plus nulle part.

GPi : Marc Marquez est parti et comme on a pu le voir lors du dernier Grand Prix, ce pilote avait vraiment quelque chose en plus. Mais finalement, pour tous ces pilotes du Moto2, n’est-ce pas une bonne chose, n’est-ce pas une opportunité d’enfin se mettre en lumière, de grandir et de ne plus évoluer dans l’ombre de l’Espagnol ?

Je pense surtout que le voir réussir en MotoGP, ça les réconforte car la saison dernière, ils ont été un peu ridiculisés et ils se disent probablement que dimanche, il a donné la même punition à Rossi, Lorenzo et Pedrosa.

Un mec comme Espargaro, qui s’est frotté à Marquez et qui l’a battu, il doit se sentir bien. Mais ça, il l’avait déjà compris la saison dernière. C’est d’ailleurs le seul à ne jamais avoir accusé Marquez de tricherie, il a accepté qu’il avait un gros adversaire en face de lui.

Il doit se dire que si Marquez peut le faire, il en est également capable et il sait qu’il peut monter en MotoGP et peut-être battre tout le monde.

Et ça c’est pareil pour les autres car ils savaient déjà que c’était lui qui avait le meilleur team avec un entourage exceptionnel en Moto2 et maintenant, ils savent qu’ils ont été battus par probablement le meilleur pilote au monde. Je pense que ça leur remonte franchement le moral ».

Stay tuned !

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