[Technique] Ressort de détente (top out spring), c'est quoi? Pour quoi?

Sur un autre topic de pit-lane.biz, Graham a évoqué les ressorts de détente des suspensions. Et sauf si j’ai mauvaise mémoire on a peu parlé de ces ressorts sur plb, j'ai souvenir de mots d'Eric Offenstadt ici ou là et dans son style... pas forcément didactique.

Je vous propose donc ce sujet sur les ressorts de détente utilisés par certaines motos de compétition car ils posent parfois des problèmes à régler souvent par la faute d’idées fausses ou de croyances bien ancrées.
Ohlins en a été le promoteur en France tout du moins et à l’arrivée de ses amortisseurs pas mal de pilotes avaient des difficultés à les régler.

D’après moi, la raison de ces difficultés est simple car il y a deux ressorts dans ses suspensions : un de compression et un de détente. Sur une partie de la course la raideur totale est le cumul des raideurs de chaque ressort et sur une autre partie elle n’est que la raideur du ressort de compression, ce qui remet en cause les habitudes de réglages.

Je  vais tenter d’être aussi clair que possible en espérant que ce sujet permettent de mieux de comprendre ces suspensions. Et si cela peut servir à certains pilotes ou mécaniciens amateurs comme moi ce sera encore un bon point pour pit-lane.biz.

Un ressort de compressionn c'est quoi?
C’est le ressort que tout le monde connait qui travaille en compression quand la suspension s’enfonce (merci Lapalisse !). Donc il est à son maxi de compression quand les suspensions sont en butée d’enfoncement.

Un ressort de détente, c'est quoi? ?
C’est un ressort qui travaille en compression quand la suspension se détend (encore merci Lapalisse même si cela paraît bizarre). Donc il est à son maxi de compression quand les roues sont dans le vide.

Ces deux ressorts travaillent en sens opposés. A noter que le ressort de détente est bien moins raide que le ressort de compression, en pratique on a un petit (détente) et un gros ressort (compression).

A quoi sert un ressort de détente ?
Il permet un fonctionnement plus « doux » de la suspension dans la zone proche de la détente maxi, ce qui rend le comportement de la moto plus constant dans les parties de la piste où la suspension avant se trouve peu chargée (accélération) et où l’arrière aussi (freinage).

Il évite ou du moins repousse l’effet coup de raquette (arrivée brutal en butée de détente).

Il apporte aussi un comportement moins brutal en cas de glisse de l’arrière quand l’effet de chaine a joué à plein (cet effet détend la suspension arrière), en cela il peut éviter une glisse trop brutale de l’arrière.

Pourquoi la raideur cumulée des deux types de ressorts n’est pas unique sur toute la course ?
Tant que le ressort de détente opère (phase finale de détente de la suspension, disons les premiers 30% de la course pour visualiser) il « appuie » sur le ressort de compression et donc le comprime aussi (encore et encore Lapalisse).

Tant que le ressort de détente ne travaille plus (disons sur les derniers 70% de la course de la suspension), la raideur de la suspension est celle du seul ressort de compression. Kcumulée = Kc

Quand le ressort de détente travaille (les premiers 30% de la course de la suspension), il faut additionner les raideurs des deux ressorts car le ressort de détente travaille sur cette partie de course et donc comprime le ressort de compression. Kcumulée = Kc + Kd

Pour déterminer avec précision cette répartition 30/70%, il faut connaître la longueur à vide du ressort de détente. Elle est égale à la course de la fourche ou de l’amortisseur où Kcumulée = Kc + Kd, soit ce que je nomme ici les « 30% ».

Attention idée fausse :  ce n’est pas une suspension progressive, dégressive plutôt d’ailleurs, il y a deux pas de raideur bien distincts.

Quelles sont les conséquences sur les réglages ?
Il faut garder en tête qu’on a une suspension plus dure en début de course (Kcumulée = Kc + Kd ) qu’en milieu et fin de course (Kcumulée = Kc), cela peut paraître hors de bon sens mais non !

Il n’y a pas de phase de transition entre les deux pas ! J’insiste. C’est, à mon avis, ce qui cause des difficultés si on veut régler ses suspensions en raisonnant classiquement comme avec un seul ressort de compression.

On comprend alors que le réglage des précharges (enfoncement en statique, moto posée sur ces deux roues sans béquille, des suspensions sans ou avec pilote) doit prendre en compte cette plus grande raideur dans la première partie de la course.

On doit donc avoir des courses mortes plus grandes avec des ressorts de détente que sans. Dans quelle proportion ? Dans la pratique (je vous épargne les calculs) avec les raideurs respectives des deux types de ressort utilisés dans nos suspensions on a de 2 à 4 fois plus de course morte sans pilote pour l’arrière et de 1,2 à 1,5 fois pour l’avant avec un ressort de détente.

Que se passe-t-il si on utilise un amortisseur avec ressort de détente et une fourche sans ce type de resort (cas de beaucoup de pilotes amateurs qui montent un Ohlins arrière sans toucher à la fourche d’origine ?
En statique on aura une assiette visuellement très sur l’arrière car le course morte sans pilote avant sera habituelle et la course morte arrière sans pilote sera plus grande que celle habituelle. C’est aussi peut être une des raisons qui a perturbé les premiers pilotes amateurs utilisant des amortisseurs avec ressort de détente achetés en acsessoires (after market) car les fourches n’en disposaient pas encore.

En dynamique, passés les premiers 30% de la course, il n’y a pas de différence. Sur ces premiers 30% la moto aura un comportement plus doux sur l’arrière que sur l’avant sans que cela soit gênant en soi car cela reste un plus sur les phases de freinage (suspension arrière détendue) et de fin d’accélération une fois que l’effet de chaîne a joué à plein en remontant la suspension arrière.


Je laisse les spécialistes en dire plus et mieux et tout le monde poser des questions, bien sûr. Pit-lane.biz est un lieu d’échange.

Approche d'un béotien en suspensions sophistiquées :

Peut-on pour simplifier à l'extrème dire que le ressort de compression travaille sous une force s'exerçant du haut vers le bas (enfoncement) et qu'inversement le ressort de détente travaille lorsqu'il reçoit une force s'exerçant du bas vers le haut (étirement)?

Peut-on assimiler ces deux ressorts (très vieux souvenirs de RDM) à deux poutres d'inégale longueur/section dont les points fixes d'ancrage sont opposés ?

Pourquoi le ressort de détente ne travaillerait-il pas en traction ? Et deux ressorts concentriques ??

Rosenoire, merci de tes efforts pour nous avoir présenté ton analyse.


(Une photo ou un schéma m'aurait évité à tout coup de proférer des âneries)

Je ré-édite ce message pour remettre le lien de GrahamB vers son article : c'est en anglais mais c'est bien

Très bon exposé de rosenoire.

Un petit schéma pour compléter:

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Un autre graphique, de force contre course:

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Le courbe tout droit (orange), c'est un ressort de compression tout seul, l'autre en rose, il y a un ressort de détente.

On voit qu'avec le ressort de détente, le pente initial est plus raide, étant la somme des constants des deux ressorts K1+K2 ; mais en conséquence il y a moins de seuil au tout début. C'est cela qui fait que la fourche soit plus sensible aux bosses sous accélération, quand il y a peu de charge sur l'avant.

Je n'ai aucune idée sur le sujet mais un article de presse Espagnol expliquait que la solution des problèmes de VR46 avait justement été trouvée avec le ressort de détente.

Merci pour les schémas, Messieurs.  

Sur le schéma fourni par ridley, il faut bien faire attention que la partie verte est fixe (comme noté dans le schéma) sinon le système ne fonctionne pas comme on le décrit.

Avec ton graph GrahamB, je comprend mieux l'incidence et pourquoi Pépé disais "Roue pendante et top-off comprimé à 0"
Sa la longueur ideal doit corresponde au race sag  
 
Tonton,
effectivement  ... si on réfléchi entrée de courbe >> surement les ressorts de détente fourche.
Pour les entrées de  virages sur les freins peut etre ressort de détente de l'amortisseur qui doit avoir une inscidence sur le comportement du train avant non ?

Le top off spring permet d'avoir un comportement de ressort progressif déguisé et ainsi de rendre passable le fait de rouler avec des valeurs de raideur un peu haute en ressort "principal".
Ils ont (les top off springs) généralement des valeurs de raideur très proche de leur frangin, un TTX par exemple, possédant un ressort de 10 Kgs/mm (valeur courante sur les 1000 actuels) a à peu près la même chose en top off spring. (10 + 10 faisant artificiellement un ressort de 5 kilos sur les tout premiers mm) Même démarche pour les fourche qui naviguent toujours (sur les 1000 aussi) avec des valeurs frôlant le kilo/mm sur les deux ressorts.


Kcnarf.

rosenoire a écrit:

Il faut garder en tête qu’on a une suspension plus dure en début de course (Kcumulée = Kc + Kd ) qu’en milieu et fin de course (Kcumulée = Kc), cela peut paraître hors de bon sens mais non !

Merci pour ton exposé Rosenoire mais pour moi cette phrase peut facilement prêter à confusion et il convient de la compléter un petit peu (bien que je suis sûr que tu as écrit ça en totale compréhension de ton côté).

Plutôt que "suspension plus dure" il faudrait écrire "raideur plus élevée" car pour moi "suspension plus dure" pourrait être interprété comme une force en Newton plus élevée pour une valeur d'enfoncement comprise dans les 30 premiers %, ce qui n'est pas le cas comme le montre bien le schéma de Graham.

En fait il faut différencier force de réaction de la fourche (l'ordonnée sur le graph de Graham) et la raideur de la suspension, qui est le coefficient directeur de chaque droite. En début de course on a une raideur plus élevée pour une force de réaction malgré tout plus faible puisque l'ordonnée à l'abscisse est beaucoup plus faible.

J'espère avoir tout pigé là.  

Et si on veut vulgariser un peu plus on peut tout simplement dire que le top out spring sert à avoir le même comportement:

- qu'un ressort très raide non précontraint sur le début de course depuis la position d'équilibre des 2 ressorts
- un ressort à raideur classique précontraint pour la suite.

panerai a écrit:

(10 + 10 faisant artificiellement un ressort de 5 kilos sur les tout premiers mm)

Désolé, mais c'est faux. Sur la première partie où les deux ressorts sont en action, les taux s'additionnent. Alors, 10+10=20 : le taux est au début plus grand, puis il descend, ce qui donne un effet de digression, non de progression.

Un ressort progressif se fait autrement, avec les deux ressorts l'un sur l'autre:
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Dans ce cas là, le ressort résultant est bien 1/(1/k_1 + 1/k_2), donc deux ressorts de 10kg-f/mm donnent l'effet d'un seul de 5kg-f/mm.

rosenoire a écrit:

C’est un ressort qui travaille en compression quand la suspension se détend (encore merci Lapalisse même si cela paraît bizarre). Donc il est à son maxi de compression quand les roues sont dans le vide.

On pourrait aller encore plus loin en tirant la roue vers le bas, non? Puisque logiquement, quand la roue est dans le vide, on est dans une position d'équilibre des deux ressorts.

Du coup, pour mesurer la course morte, on part de quelle valeur pour la première mesure? roue tirée vers le bas plutôt que "simplement" dans le vide? ...

Pour régler sa course morte, ne vaut-il pas mieux le faire avec pilote? Cela permet de dépasser les 30% qui sont en intéraction avec le top out et de se retrouver sur une situation classique. On règle alors entre 30 et 40% de la course totale (roue tirée vers le bas?) à l'avant et 25 à 35 (mais mettons nous au dela de 30 pour simplifier) à l'arrière, et on ne se prend pas trop la tête avec le début de course, contrairement à une mesure sans le pilote. Oui? Non? Je me demande.

J'ai bien dit "déguisé" et pas vraiment progressif ! on vire d'une valeur à l'autre "brutalement" , deux ressorts superposés ont pour valeur "additionnée" : (K1 x K2):(K1 + K2) soit pour deux ressorts de 10 Kilos : (10 X 10) : (10 + 10) , 100:20 = 5 !

Kcnarf.  
                                                                   

De toute façon, je crois que la confusion dans cette conversation vient avant tout de l'emploi des termes...

Nan, t'as juste répondu pendant ma rédaction !


Moi.

J'ai viré la première partie de ma phrase le temps de vérifier

Bon alors en fait après vérification on est toujours sur de la confusion, mais de cas cette fois-ci: avec un top-out spring, on n'est pas dans une situation de ressorts superposés. La plaque verte est fixe, on est donc dans le cas de deux ressorts parallèles subissant le même déplacement. Donc addition des raideurs, K1+K2.

Si la plaque verte n'était pas fixe on serait dans le cas décrit par panerai.

(j'avais pas lu le post de Graham qui dit la même chose de manière différente).

Edouard B. a écrit:

Graham qui dit la même chose de manière différente

  

Pour la question de réglage de course morte, je pense qu'il vaille mieux le faire avec pilote... finalement c'est comme ça qu'on va en servir   

L'intérêt traditionnel de comparer course morte avec et sans pilote n'est qu'une manière de validé le taux du ressort, mais :
1. elle est faussée dans le cas d'un ressort de détente ;
2. elle ne prend en compte que le poids du pilote, alors que le ressort doit soutenir aussi la moto ;
3. elle n'est pas de tout suffisamment précise, puisque la différence entre deux ressorts est typiquement de 5%. Alors la différence course morte avec - course morte se trouve typiquement vers 15mm à l'avant, alors la différence entre deux ressorts se résume à 0,75mm... avec la stiction d'une fourche en bonne fonction autour de 5mm.

PS: quant à l'incertitude du point de réference... une fois établie la course de la fourche et le point de buté, je préfère mesurer plutôt la course qui reste.

Merci Graham, ça rejoint ce que je pense.

J'espère que j'ai perdu personne avec mes explications et mes questions...

??? je serai plutôt de l'avis de Panerai   

Revenons au schéma de RIDLEY :

La masse 1 compresse le ressort 1 et détend le ressort 2 (qui n'est pas solidaire de l'élément fixe) soit une raideur = K1 - K2
   (Edit : On va dire K1 moins K2 pour ne pas confondre avec une vraie formule de calcul...)
La masse 2 compresse le ressort 1 uniquement soit une raideur K1

Sur la courbe de GRAHAMB, si on se positionne disons à 20mm
On peut voir qu'il faut moins de force avec les deux ressorts qu' avec un seul pour provoquer ce déplacement.
La courbe Rose(2 ressorts) est sous la courbe Rouge (1 ressort).

Donc la raideur avec 2 ressorts est moindre qu'avec un seul (En accord avec le premier schéma)
Ce qui ne m'étonne guère puisque les deux ressorts (dans ce montage) travaillent à l'envers l'un de l'autre   

 

Edit: C'était joli, mais faux voir plus loin...

Edouard B. a écrit:

Plutôt que "suspension plus dure" il faudrait écrire "raideur plus élevée" car pour moi "suspension plus dure" pourrait être interprété comme une force en Newton plus élevée pour une valeur d'enfoncement comprise dans les 30 premiers %, ce qui n'est pas le cas comme le montre bien le schéma de Graham.

Je me permets de m'autociter (oui je sais :p) car on est exactement dans ce problème.

La force nécessaire pour enfoncer une suspension avec top out spring et la raideur d'un ressort sont deux choses bien distinctes.

Est-ce qu'en début de course la force nécessaire pour enfoncer la suspension est inférieure quand on a un top out spring? OUI. Le graphique de Graham le montre bien.

Est-ce équivalent à un ressort moins raide? NON. Est-ce que c'est équivalent à K1-K2? absolument pas. C'est équivalent à un ressort PLUS raide avec beaucoup moins de précontrainte, ce qui permet un enfoncement assez facile en début de course.

En gros ce qu'il faut comprendre, c'est que si vous appuyez à la main sur un ressort très raide mais pas précontraint, même avec une force très faible, vous allez réussir à légèrement l'enfoncer. Alors que ce ne sera pas le cas avec un ressort beaucoup moins raide mais très précontraint. C'est ça la signification des différences vues dans le graphique de Graham.

J'espère que c'est clair!

Ben pas vraiment !!!

Pour un ressort linéraire, précontraint ou pas il faut la même force pour l'enfoncer de la même distance   
tant qu'il n'est pas en butée bien évidemment...

Non, s'il est précontraint il ne s'enfoncera pas tant que la force n'atteint pas un certain seuil. C'est le principe de la précontrainte!

La force que fournit un ressort est de k*x, avec x l'enfoncement par rapport à la longueur à vide. Avec une précontrainte, même quand la suspension est en butée, le ressort applique une force qu'il faudra dépasser (on ajoute artificiellement un déplacement x préexistant) pour aller plus loin dans l'enfoncement.

Edouard B. a écrit:

Non, s'il est précontraint il ne s'enfoncera pas tant que la force n'atteint pas un certain seuil. C'est le principe de la précontrainte!

La force que fournit un ressort est de k*x, avec x l'enfoncement par rapport à la longueur à vide. Avec une précontrainte, même quand la suspension est en butée, le ressort applique une force qu'il faudra dépasser (on ajoute artificiellement un déplacement x préexistant) pour aller plus loin dans l'enfoncement.

Toujours pas clair   

Pour moi même avec des ressorts très précontraints, quand tu poses une "masse" sur une moto elle s'enfonce proportionnellement à cette masse... (Cinématique linéaire bien sur...)
la précontrainte a seulement neutralisé la masse de la moto.

Mais je veux bien apprendre...