DANIEL ROUGE Pilote/Reporter son histoire

En dépit de son résultat positif - toutes proportions gardées - du circuit d'Avignon, il était temps de mettre un terme aux caprices  répétés de la décevante catalane. J'avais pourtant encore engagé la Bultaco dans la course de côte de Limonest, près de Lyon, mais une arrivée trop tardive ne m'avait pas permis de reconnaître le parcours. Et deux petites montées d'essais étaient insuffisantes pour bien apprendre le tracé.
Puis au moment de prendre le départ de la première montée chronométrée, la panne ! Pas d'étincelle à la bougie. C'était cette fois le boîtier électronique de l'allumage Femsa qui venait de déclarer forfait... Par chance, il y avait là mon vieux copain Louis Oulevey qui s'était engagé lui aussi avec une Bultaco, mais en 250 cm3 ; et la journée se passa à échanger son Femsa entre deux montées ; dès mon arrivée en haut de la côté, je commençais à démonter le boîtier avant de redescendre en roue-libre avec le groupe des 125 cm3, et je repassais le Femsa à la volée à Louis qui avait juste le temps de le remonter avant de prendre son départ.
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Pour ne pas perdre les mauvaises habitudes, un dernier caprice avec une panne d'allumage à Limonest-Mont Verdun (Photo A. Rouge)

Pour en finir avec la Bultaco, il me restait à honorer un engagement sur le circuit belge de Natoye, un tracé des plus pittoresques dont l'organisateur avec racolé un ou deux Hollandais, un Allemand, un Luxembourgeois, et trois ou quatre Français, ce qui permettait à cette course de kermesse de s'intituler "épreuve internationale" ! Sans être mirobolante, la prime de départ n'était pas négligeable et la TSS avait été engagée en 125 et 250 cm3 (encore grâce à l'adhésif vert...).
N'ayant pas investi dans un nouveau Femsa, j'avais à la va-vite bricolé un allumage batterie-bobine à base de vis platinées et de came d'allumage de mob AV 88 que j'avais achetées chez Claude Thomas, un ancien vainqueur du Bol d'Or sur Motobécane 175 cm3. Le volant étant à droite sur la mob, et à gauche sur la Bul, la levée de la came n'était pas dans le bon sens, et j'avais effaré un concurrent belge qui m'avait vu modifier cette came d'allumage à la lime, avec mon genou pour établi... Mais si faute d'un ressort assez raide, les vis ne permettaient au moteur que d'accrocher difficilement ses 10 000 tr/mn, cela devait suffire pour amuser un public qui n'avait rien à voir avec des spécialistes de Grands Prix, sur un tracé dont la ligne droite des tribunes avait pour échappatoire l'allée sablée menant au château d'eau - dont le portail avait été obligeamment ouvert - et où un freinage manqué dans le gauche de la descente vous aurait permis d'aller vite fait partager une Gueuse Lambic avec les occupants de la terrasse du bistrot dont le circuit faisait le tour.
Quant au retour sur le territoire national, il se faisait nécessairement de nuit : pour sortir une moto non immatriculée de France, il fallait alors un "Carnet de Passage en Douane", un document coûteux et si complexe que même les gabelous, tant français que belges, n'en maîtrisaient pas vraiment l'usage ; en l'absence du dit document, il fallait emprunter subrepticement un chemin vicinal où, de jour, la frontière était matérialisée par une vague guérite faisant plutôt songer à une cabane à outils de cantonnier, et fort heureusement inoccupée pendant les propices heures nocturnes...
La page Bultaco est désormais tournée, quoique je serais curieux de savoir si, les années passant, cette moto qui m'a valu tant de soucis n'est pas devenue quelque part une pièce de collection ?

Merci pour ces belles lignes ! C'est un plaisir de te lire !


Daddy

Excellents récits qui illustrent bien l'ambiance!
Dan

Loulou le bon samaritain !

quelle belle plume ! Merci monsieur Red .

Intéressant et très agréable à lire. Cet éclairage sur la course « à la française » dans les années 60 est un pendant utile au continental circus des anglo-saxons plus documenté.
En plus les anecdotes techniques me semblent parfaitement crédibles, ce qui n’est pas toujours le cas dans les souvenirs d’anciens pilotes.

Merci,c'est un régal !!

C'est du vécu ! Merci

Encore un mot pour exprimer quelques regrets à l'égard de la marque que j'ai utilisée pendant près de quatre saisons.
Don Francisco Bulto, créateur de la marque portant son nom (en espagnol, le diminutif de Francisco est Paco. BULTo + pACO = BULTACO) avait pour ambition de faire de ses TSS l'équivalent des Manx pour les catégories 125 et 250 cm3. Faute d'une qualité suffisante des matériaux utilisés, la fiabilité des moteurs n'atteignit pas le niveau souhaité, et il n'y eut guère de recherches pour améliorer de façon significative les performances des machines utilisées par les pilotes les plus "usine" de la marque, comme Ramon Torras, Jack Findlay ou Ginger Molloy : pas de cylindres chromés dur, quatre transferts, refroidissement liquide par pompe au lieu du thermo-siphon, etc, quelques éléments qui auraient peut-être permis à la marque de rester à hauteur de la concurrence japonaise, comme Ossa le fir un moment avec la 250 cm3 pilotée par Santiago Herrero.
En revanche, il n'y avait rien à redire en ce qui concernait les parties cycle : que ce soit le simple berceau des premiers modèles à air ou le dédoublé des "liquides", la tenue de route ne souffrait aucun reproche, au point qu'un pilote tel que Rodney Gould utilisa  une partie cycle de TSS pour y loger le moteur de sa Yamaha TD 1 C dont la tenue de route n'avait pas une réputation des plus flatteuses...
Et pourtant, Bultaco était capable de se hisser au plus haut niveau, comme avec la Sherpa de trial qui se forgea un remarquable palmarès, ou encore les fameuses 360 cm3 à air qui marquèrent de leur empreinte les 24 Heures de Montjuich ! Mais ceci est une autre histoire...

Findlay n'a jamais eu de Bultaco vraiment d'usine même si l'usine l'a aidé- c'est Tommy Robb qui les a eues comme Molloy - Findlay dit à la fois que la 250 était hyper fiable , à condition de respecter les ratio d'usure des pièces, mais aussi que sa pire gamelle au TT due à un blocage du moteur de sa Bul, a été causée par le montage à l'usine d'un axe de piston hors cote .... ce qui peut aussi vouloir dire que les précisions à l'usinage n'étaient pas un point fort non plus (à lire dans un excellent ouvrage à venir etc ...)

bubu a écrit:

Findlay n'a jamais eu de Bultaco vraiment d'usine

Oui, c'est exactement ce que signifie la phrase de rakham...