Voici la rapide (!) traduction d'une étude de cas d'amélioration du cache-arbre à cames de l'Ilmor 2007 menée par CRP.
Comme on le voit, rien n'est vraiment simple à ce niveau... (lire jusqu'à la fin)Le challenge est l’optimisation du cache-arbre à cames de l’Ilmor MotoGP 2007.Le cache arbre à cames est la pièce structurelle qui contient les paliers d’arbres à cames (l’arbre à cames tourne à plus ou moins 19 000 t/m) et qui est directement fixée sur la culasse qui atteint les 800°.
A l’intérieur, circule de l’huile à 130/140°.
Les objectifs d’optimisation sont :
1/ Allègement de 31%
2/ Fiabilité
3/ Modifications ultérieures et production rapides (les modifications doivent être possibles en cours de saison)
Les aspects les plus délicats d’un cache-arbre à cames sont son centrage, le maintien de ce centrage, et sa capacité d’huile.
Cette pièce est habituellement usinée en CNC ou issue de la fonderie avant d’être usinée, méthode couteuse en temps et en argent.
Ici, le propos est d’utiliser la technologie SLS (Selective Laser Sintering)* et de la combiner avec du métal, ce qui permet de créer des pièces composites (un peu comme du béton armé).
Les avantages de cette technique sont la rapidité et la souplesse alors que ses limites peuvent être la résistance mécanique du plastique qui est inférieure à celles des alliages d’aluminium ou du carbone.
Le coût est toujours pris en considération et le but est d’utiliser cette technique là où elle peut alléger le prix, la lourdeur et les temps de production.
Objectifs
A l’occasion d’une rencontre avec Ilmor, le propos du projet a été défini comme suit: Rationalisation et amélioration des performances du cache-arbre à cames
Différents points s’avèrent nécessaires pour mener à bien le processus:
1. Diminution, autant que possible, l’usinage des pièces métalliques en les remplaçant par des pièces en plastique quand leur résistance le permet.
2. Diminution du poids sans compromettre les qualités structurelles du dessin.
3. Rationalisation des zones usinées en utilisant Presque exclusivement à la découpe au au détriment du fraisage.
Résultat
Le résultat est une pièce en composite Windform où les différents matériaux ont une fonction spécifique ou une qualité structurelle.
Autour d’une âme en metal-ceramic matrix (MMC), a été crée une coquille en carbone. Cette coquille a été synthétisée à partir de poudre directement depuis un modèle mathématique élaboré en quelques heures.
Les pièces métalliques (supports d’arbre à cames) ont été réalisées par découpe et soudage tandis la coque est une forme complexe peu réalisable par usinage.
Les supports d’arbres d’arbres àcames sont donc en MMC: “Metal Matrix Composites” pour offrir des gains en poids, rigidité et résistance.
Les standards industriels proposent le AMC225XE.
Un alliage d’aluminium AA2124 renforcé jusqu’à 25% de particules de carbure de silicium de 2 à 3 microns a été retenu. Ce matériau est versatile : il peut être usiné (outils au diamant), forgé ou formé par extrusion ou laminage.
Puis, le tout a été collé à l’aide d’un gabarit en utilisant des colles à haute performances, développées pour l’aéronautique, dont la composition et les propriétés restent confidentielles.
Pour mieux comprendre pourquoi la fabrication de cet élément composite est si confidentielle et intéressante, il est important d’expliquer les difficultés de collage que rencontrent tous les techniciens amenés à assembler du carbone et de l’aluminium.
La fibre de carbone classique crée une pile et une corrosion galvanique lorsqu’elle est en contact avec de l’aluminium, spécialement en milieu humide et salé.
Evidemment, il y a toujours un peu d’humidité dans l’air ambiant et cela peut engendrer l’oxydation de l’aluminium propice à l’apparition de fissures.
De plus, les différentes dilatations thermiques rendent le collage presque impossible.
En pratique, le carbone se dilate très peu, à l’inverse de l’aluminium.
Un aluminium comme le 2024, utilise dans les applications high-tech à une dilatation de 1.85 mm par mètre en passant de 20 °C à 100 °C.
A ces mêmes températures, le carbone ne varie quasiment pas, ce qui tire sur le joint de colle et peut entraîner son déchirement.
Une solution contre la corrosion galvanique pourrait être le recouvrement des parties métalliques par de la fibre de verre avant la fibre de carbone ; elle jouerait alors le rôle d’isolant en éliminant le contact entre les deux pôles de la pile formée par le carbone et l’aluminium.
Malheureusement, pour des pièces travaillant à hautes températures, cela n’élimine pas le problème des dilatations thermiques.
De plus, si l’on appliquait le carbone directement sur l’aluminium (ou avec de la fibre de verre) dans la passé, aujourd’hui on le moule au préalable avant de le fraiser puis de le coller avec un adhésif qui n’élimine pas le problème du différentiel des dilations s’il est trop rigide.
Récemment, des recherches poussées ont été menées pour augmenter l’élasticité des collages.
Néanmoins, le collage le plus pertinent reste celui entre le carbone et l’alliage de titanium, grâce auquel les problèmes de corrosion restent limités, tout comme les différences de dilatation.
Dans l’exemple précédent, le Ti 6Al4V subirait une dilatation de 0.68 mm, soit trois fois moindre que l’aluminium.
Notre MMC AMC225xe se situe entre l’aluminium et le titanium. Sa dilatation est de 1.2 mm
Avec des adhésifs spéciaux et élastiques, il est donc possible de réduire les problèmes par rapport aux alliages d’aluminium classiques.
Dans le cas présent, la situation est améliorée car le Windform XT étant la partie la plus souple de l’assemblage, il se déforme en réduisant ainsi la traction sur le joint de colle, à l’inverse de la fibre de carbone traditionnelle.
Comme les supports sont faits exclusivement en MMC, et donc plus rigides et résistants à poids égal que l’alliage d’aluminium, la différence d’élongation entre les deux éléments est moindre.
En ce qui concerne les problèmes de corrosion, comme Windform XT a une forte proportion de polyamide et moins de carbone, la différence de potentiel avec le MMC est moindre, par rapport à de la fibre de carbone traditionnelle, et le phénomène devient négligeable.
Trois versions supplémentaires ont été étudiées. L’une d’entre elle, avec un autre alliage d’aluminium à la place du MMC, semblerait pouvoir convenir avec des traitements supplémentaires mais cela relève encore de la confidentialité.
En fait, le MMC pourrait présenter des problèmes de friction avec l’arbre à cames et des process supplémentaires sont peut-être nécessaires.
Après le passage au banc, voici le premier rapport des ingénieurs de Ilmor.
Ian Watson (Ilmor Senior Designer): “Le moteur a tourné avec le cache-arbre à cames pendant l’équivalent de seulement 100 kilomètres mais à pleine vitesse.
Il n’y a eu aucun problème, pas de fuite, pas de différence de performances et cela a été jugé comme un succès complet.
Après démontage, tous les composants internes de la culasse sont en bonne condition, sans signe de fatigue ou problème potentiels.
Néanmoins, le collage entre les pontets en aluminium et le Windform s’est rompu.
Les pontets sont encore en place mais il est possible de les bouger à la main.
Je ne sais pas pourquoi cela est arrivé. Il n’y a pas de signe de déplacement (pas de frottements visibles) donc je pense que tout était ok quand cela a été assemblé.
Le coupable est peut-être la différence de dilatation.
Je ne suis pas trop déçu de cette rupture du collage ».
* ndlr: Une sorte d’imprimante laser qui catalyse le plastique en 3D au 1/10ème de millimètre